Ne me prenez pas pour un barde
Car je n'ai pas de longs cheveux
Et si de fleurs on me bombarde
Écoutez d'abord mes aveux
Ici-bas, tout me désenchante
Je suis frêle comme un roseau
Et c'est pour vivre que je chante
Comme un z'oiseau
{Parlé:}
Remarquez, mesdames et messieurs, quand je dis : Comme un z'oiseau, je fais t'un cuir mais c'est z'exprès. Du reste, comme nous chantons presque pour la peau, on peut bien faire un cuir dans une chanson, pas vrai ? Puis d'abord, dans les chansons, y a qu' des blagues. Tenez, pour vous l' prouver, j' m'en vais vous en citer quelques-unes.
Tenez, par exemple, le baryton qui vient vous susurrer gentiment :
C'est si gentil la femme. (1)
Eh ben, croyez-vous qu'il en ait une santé, c' copain-là, hein. Ah, je n' parle pas pour les dames qui sont ici, elles sont toutes charmantes.
Tenez, en parlant d' femme, on voit bien qu'il a jamais vu la mienne. Elle est tellement tocarde que quand nous mangeons l' pot-au-feu, y a l' bouillon qui ferme les yeux pour pas la regarder. Ah ! c' 't épatant, ça, hein.
Tenez, c'est comme les chanteurs des cours. Vous avez dû remarquer qu'ils ont une façon comique de vous dire les choses les plus tristes. Dernièrement, dans ma maison, il en est venu un, il avait fait onze gosses, il les tenait tous par la main, là, il chantait:
Je suis presque seul sur la terre (2)
Non mais, sans blague alors, qu'est-ce qu'il lui faut, hein ?
Cinq minutes après, y a une dame qu'est arrivée... Ah ! celle-là elle avait pas d'enfant mais à en juger par son embonpoint, on voyait qu'elle allait pas tarder à en avoir un. Elle chantait en ayant l'air d'implorer :
Moi, je veux un polichinelle (3)
Y a un loustic qui s' trouvait dans la cour qui lui a dit qu'elle était servie, qu'elle avait qu'à tirer l' tiroir.
Tenez, un dernier exemple. L'autre jour, j'étais en train d' prendre mon apéritif dans l' café qui fait l' coin d' la rue Réaumur et du Boul'vard Ornano, tout d'un coup y a un mendigot qui s' met à hurler :
Saluez ! c'est l'amour qui passe (4)
Moi, j' me relève, j' m'apprêtais à retirer mon chapeau pour saluer l'amour. Qu'est-ce que j' vois ? C'est deux vidangeurs qui passaient. Alors vous parlez si j'ai été épaté, moi, hein. J'ai pas pu m'empêcher que d' dire au mendigot : Eh ben, mon vieux, c'est ça qu'y faut saluer ? Tu n'es réellement pas dégoûté d' l'amour.
Je vous le dis sans plus d' façons
C'est notoire
Et c'est d' l'histoire
Malgré ce que nous en pensons
Y a qu' des mensonges dans les chansons
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(1) C'est si gentil, la femme (Garnier, Clamadieu - Maquis)
(2) Un voleur (Leclerc, Mortreuil - Goublier)
(3) L'enfant et le polichinelle (Maquis)
(4) Saluez ! C'est l'amour (Briollet, Tinant - Tiska)